Mardi 25 Septembre @ VIPress.net« Pour que le marché français du PV se développe, il faut un changement des mentalités ! »
L'Allemand Conergy, fabricant de panneaux photovoltaïques et fournisseur de services et systèmes PV clés en mains présent en France depuis 2004, a réussi à renouer avec les bénéfices opérationnels(1) après plusieurs trimestres turbulents, malgré un environnement et une conjoncture a priori défavorables, avec des changements fréquents et importants au niveau des réglementations tarifaires dans différents pays. Comment la société a-t-elle réussi à retourner la situation ? Le point de vue de Philippe Pflieger, directeur Conergy SAS, qui nous livre aussi son analyse du marché français …
Quels ont été les choix de Conergy pour remonter la pente malgré le contexte actuel ?
Au-delà d'un ancrage sur son marché historique constitué par l'Allemagne, Conergy a très tôt fait le choix d'une approche internationale, parallèlement à une activité de développeur de systèmes clés en mains(2). Plus récemment, la diversification géographique a plus fortement évolué vers les marchés émergents où la notion de marque reste à développer. Au premier semestre 2012, nous avons réalisé plus de 75% de nos ventes dans les marchés internationaux. Nous avons ainsi signé un contrat pour un projet de 50 MW au Pakistan. Mais notre développement continue aussi en Europe. En Allemagne, nous avons réalisé le plus grand parc solaire de la Sarre, avec 10,5 MW. Un parc solaire de 1 MW a été récemment raccordé au pays basque espagnol, ainsi qu'un autre projet de 5,3 MW en Espagne. Au global, nous avons réalisé plus de projets hors Europe jusqu'ici cette année. Nous orientons en outre en particulier nos efforts vers le Maghreb pour y développer des projets de plus grande taille qu’en France.
Que répondez-vous aux rumeurs concernant l'entrée d'un investisseur chinois au capital de Conergy ?
Pour des raisons de taille critique, nous pensons que des rapprochements entre industriels dans toute la branche pourraient être intéressants à moyen terme. Nous sommes présents dans plus de 40 pays avec un réseau de ventes et l'une des plus importantes gammes de services pour les systèmes PV. Deux avantages que les grands fabricants asiatiques ne possèdent pas ou très peu. Cela pourrait donc être intéressant pour eux. Notre gamme de produits inclut, par exemple, des produits « premium » fabriqués par Conergy mais aussi des produits de qualité « certifiés par Conergy » provenant de quelques partenaires, fournisseurs et OEM asiatiques qui profitent de notre réseau de ventes. Dans l’industrie solaire, il faut pouvoir satisfaire tous types de demandes aussi bien pour les produits « premium » que pour les produits d'entrée de gamme et de moyenne gamme avec un bon rapport qualité/prix. La qualité est essentielle.
Comment une production européenne peut-elle rester compétitive face aux fournisseurs asiatiques ?
Notre usine allemande est réservée aux produits phares Conergy PowerPlus. Les retours d'expérience nous donnent des arguments qualitatifs face à la clientèle surtout dans les secteurs résidentiel et tertiaire, avec moins de 0,001% de taux de retour contre une moyenne de 2-3% dans toute l’industrie solaire. Les conditions de garanties que nous pouvons offrir grâce à cette qualité supérieure font le reste(3). Dans certains pays, les clients sont prêts à payer un supplément pour la qualité et le haut de gamme. C'est le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni, mais aussi en Grèce, par exemple pour des projets de grande taille où les investisseurs privilégient les produits garantis et de haut de gamme.
En France, et dans une moindre mesure en Espagne et en Italie, le bas prix reste par contre le premier critère de choix dans la plupart des cas. En France, c'est devenu une véritable obsession. Le prix y semble parfois plus important que la pérennité du système. Les installateurs ont suivi cette stratégie et tenté d'accéder à des prix toujours plus plus bas parce que, avec les contraintes de la politique réglementaire, il fallait offrir et vendre au moins cher. Cette vision très court-termiste est par contre dangereuse. D'ici 2 à 3 ans, je crains qu'il n'y ait de nombreuses installations défectueuses. Si le marché français continue sur cette voie, les conséquences sur le photovoltaïque seront considérables.
Quelles perspectives d'avenir voyez-vous pour le marché français ?
Le marché français est aujourd'hui à la fois compliqué, marqué par un fort lobbying et très figé du fait de la réglementation par appels d'offres dès 100 kW. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il y aura de moins en moins de parcs solaires au sol, mais très probablement plus de toitures photovoltaïques sur l'Hexagone. Les installateurs régionaux, même ceux de taille moyenne, sont confrontés à de gros problèmes. Le marché français se caractérise par beaucoup de bureaucratie, ce qui freine considérablement son développement. Le résultat des appels d'offres devrait maintenant remplir le carnet de commandes de certains groupes, mais seulement pour 2013. L'installation devant se faire dans les dix-huit mois, les partenaires vont encore attendre la baisse maximale possible des prix. Les investisseurs restent gagnants. Il n'y a aujourd'hui plus autant d'effets spéculatifs que lors des tarifs d'achat très incitatifs d'il y a 2-3 ans, mais il y a toujours un marché d'achat/vente de projets photovoltaïques avec des propositions techniques et financières datant d'il y a un an et donc avec des tarifs d'achat de cette époque.
Comment serait-il possible, à votre avis, de débloquer le marché français ?
La France a fait le choix d'une réglementation par appels d'offres ce qui semble acceptable pour les grandes centrales PV de plus de 500 kW. Mais il conviendrait en revanche de libérer le marché pour les puissances inférieures à cette limite. Ainsi, la puissance octroyée sur la tranche de 100 à 250 kW est faible comparée à celle validée pour les centrales de plus de 250 kW. Une nouvelle réglementation tarifaire pourrait être élaborée d'ici la fin de l'année, et donc applicable en 2013. Les professionnels souhaitent aussi des mesures ayant un impact à court terme. Une solution consisterait à rehausser le seuil des appels d'offres et à figer le tarif d'achat actuel afin de maintenir le marché à flot et d'éviter trop de dégâts parmi les installateurs d'ici la fin 2012.
Depuis le moratoire et la nouvelle réglementation tarifaire, le marché français est bouleversé. Le climat d'affaires était très pessimiste pendant les six mois qui ont suivi le moratoire. Une certaine sérénité est aujourd'hui revenue. Si la baisse des tarifs continue au rythme actuel, nous serons obligés de faire nos calculs comme s’il ne devait bientôt plus y avoir de tarif d’achat. L'activité 2013 reste donc difficile à évaluer. Mais je suis convaincu que ceux qui, comme nous, ont vraiment la vocation et le désir de développer l'énergie solaire survivront aux difficultés actuelles.
Et le marché du solaire en général ?
Est-ce que l'écologie est une priorité ? Pourquoi développer des énergies alternatives ? Ce sont là les vraies questions. Pour que le marché du solaire en général et le marché français en particulier se développent, il faut un changement des mentalités. Il y a une différence fondamentale entre un pays comme l'Allemagne où le solaire gagne du terrain et où ce changement a déjà commencé il y a quelques années, et la France. En Allemagne, on installe de plus en plus du photovoltaïque avec l'objectif de produire de l'énergie propre au lieu de l’énergie de combustibles fossiles ou nucléaire.
En France par contre, la raison primordiale réside dans le produit financier. Avec la nouvelle réglementation tarifaire, le taux de rentabilité interne des projets PV atteint 6 à 7% sur 20 ans. Les banques ne finançant plus guère en-dessous de 12-13%, les fonds de pension ont pris le relais et sont les investisseurs d'aujourd'hui. On voit toutefois émerger des activités se basant sur d’autres concepts comme l’autoconsommation ou les maisons BBC. Avec notre expérience sur des marchés matures au regard de telles démarches au sein de notre groupe, nous pensons pouvoir développer nos parts de marché et contribuer à « l’éducation » du marché français.
Propos recueillis par Elisabeth Feder
(1) Conergy a clos le 2e trimestre 2012 avec un chiffre d'affaires de 145,5 M€, inférieur de 35% à l'an passé, avec un volume de livraisons de 110 MW qui n'est que légèrement inférieur aux 119 MW du 2e trimestre 2011. Ses ventes, réalisées à 79% hors Allemagne (surtout en Italie, en Grèce et aux Etats-Unis), affichent une hausse de 48% comparé au 1er trimestre de l'exercice en cours, tandis que les livraisons ont progressé de 60%. Pour la première fois depuis l'automne 2010, le résultat opérationnel est positif (500 k€) alors que la firme avait encore accusé des pertes opérationnelles de 7,6 M€ au trimestre précédent.
(2) « EPCiste » : Engineering, Procurement, Construction.
(3) Conergy PremiumPlus : Garantie produit de 12 ans. Garantie de performance linéaire. Prise en charge des frais si nécessité de remplacer des panneaux, etc.
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