Lundi 10 Juin @ VIPress.netLes taxes antidumping sur le solaire chinois au centre de toutes les discussions
L'annonce de Bruxelles concernant des taxes antidumping provisoires sur le photovoltaïque chinois (voir [L]http://article.lechodusolaire.fr/?id=nfhbadxv0406rwsj|notre article[/L]) a fait couler beaucoup d'encre cette dernière semaine avec des commentaires des camps du pour et du contre, mais a aussi suscité, face à un satisfecit côté gouvernemental, une vraie levée de boucliers de la part de professionnels du secteur qui dénoncent une décision insuffisante, inefficace ou même inutile et signalent, notamment en France, que « le débat est ailleurs » …
Récapitulatif des taxes de l'UE sur les produits photovoltaïques chinois
Le débat est ailleurs !
Pour de nombreux acteurs professionnels du secteur, le problème n'est pas le solaire chinois. « Revenons aux vrais sujets », insiste ainsi André Perrotin, président d'Evasol au sein du groupe Giordano. « L'imposition de taxes punitives sur les panneaux PV chinois n'est pas la solution. En France, nous avons besoin d'une réglementation stable donnant de la visibilité à plus long terme pour que le marché se développe. A l'instar de la majoration des tarifs d'achat en cas d'utilisation de panneaux photovoltaïques européens, l'état doit montrer une vraie volonté politique, adapter des aides comme l'eco-PTZ au photovoltaïque jusqu'à un certain volume, éviter le mois d'incertitudes en début de chaque trimestre jusqu'à ce que la CRE publie les nouveaux tarifs d'achat, encadrer les coûts de raccordement des centrales PV au réseau électrique, etc. »
Thierry Mueth, président de l'organisation professionnelle du secteur solaire français Enerplan, a estimé, lui, que la décision de la Commission européenne n'était « pas suffisante » et réclamé d'autres mesures pour aider les industriels européens. Il a ainsi réclamé qu'au niveau national, le gouvernement français mette fin à la baisse régulière des prix d'achat de l'électricité solaire, et organise des appels d'offres significatifs, « pour que les industriels puissent faire fonctionner leurs usines et que l'ensemble de la filière survive jusqu'à la mise en œuvre de la transition énergétique. »
Pour David Mülhaupt, installateur-gérant de Luberon Solaire, installateur français sis du côté de Marseille, « le kWh photovoltaïque 10 à 20% plus cher à partir d'août, c'est là le résultat auquel aura contribué Franck Asbeck, patron de SolarWorld et initiateur de la plainte contre les fabricants chinois auprès de l'Union européenne. Pour protéger les marges à court terme de son entreprise, solide en termes de qualité, mais chère et qui n'a jamais innové ni fait avancer la filière en termes de modèle commercial, il a enfoncé la filière européenne dans le piège d'une baisse de compétitivité, et créé encore plus d'incertitude dans un marché déjà sérieusement déstabilisé. Est-il d'utilité publique d'éviter un rachat ou la faillite à un acteur amont dont la filière peut se passer ? A mon avis, l'enjeu serait plutôt le maintien de 20 fois plus d'emplois dans l'aval un peu partout en Europe (fussent-ils subventionnés par la Chine), et les importations de pétrole, gaz et uranium évitées par des décennies de production locale d'électricité ; Cette partie de la filière semble plus compétitive et pérenne, et elle n'est pas délocalisable. La compétitivité de l'amont européen se joue, elle, sur les économies d'échelle et sur l'accès au financement. Alors pourquoi ne pas contrer plutôt la Banque chinoise de développement à travers des programmes de la BEI ? Un programme de financement de développement/restructuration à destination des fabricants européens permettrait un rattrapage en termes de productivité et le lancement de nouveaux produits voire d'élargir leur stratégie au financement de projets. Il n'y aura cependant pas de ventes sans marché un revigoré, en particulier en France, où une très forte extension du volume serait possible à coût identique pour la société, à travers un effort réel de simplification et une surveillance digne de ce nom des conditions d'accès au réseau. »
Du côté d'EU ProSun, instigateur de la plainte auprès de l'Union européenne, la satisfaction transparaît. « Le dumping est une fraude qui, détruit les marchés, des emplois et une juste compétition. Avec une part de marché de plus de 80% aujourd’hui, la Chine est déjà en situation de monopole... La Chine s’en sort bien avec des taxes aussi peu élevées, mais c’est assez pour que les industriels européens du solaire reviennent dans le jeu et, cette fois-ci, le jeu devra être équitable », prévient Milan Nitzschke, président d’EU ProSun.
L'Afase, une alliance d'acteurs professionnels du solaire européen et mondial avec une très forte présence en Europe, qui s'est récemment muée en association, regrette que la Commission européenne ait ignoré l'opinion de 18 des 27 pays membres, et reste persuadée que n'importe quel niveau de taxation ne saurait être que préjudiciable à l'industrie européenne du solaire.
L'EPIA, association européenne de l'industrie du photovoltaïque, est restée, elle, neutre depuis le début des discussions et maintient cette position. Elle constate que l'imposition de taxes punitives intervient à un moment crucial pour les marchés dans un contexte de surcapacités de production, de baisse drastique des prix et d'intense compétition au niveau mondial avec, pour résultat, de sévères difficultés pour nombre d'acteurs. Elle se pose en médiateur possible pour collaborer aux négociations entre les différentes parties afin d'assurer une concurrence loyale et d'éviter des conflits commerciaux. Elle souligne toutefois aussi qu'une industrie européenne forte dans le solaire ne se fera qu'à la condition d'efforts soutenus de R&D, d'un cadre réglementaire stable, d'un accès aisé à des capitaux pour le financement à la fois de projets solaires et de sociétés industrielles, et une assurance à moyen terme pour les investisseurs avec des objectifs contraignants pour le déploiement des énergies renouvelables en Europe à l'horizon 2030.
Le fournisseur chinois de panneaux PV Yingli Green Energy note, lui, « avec regret, la décision de la Commission européenne d'imposer des taxes punitives entraînant inévitablement des prix plus élevés pour les produits solaires qui seront la cause, au minimum, d'une stagnation pour l'industrie du solaire en Europe. » La société se dit « favorable à une solution négociée qui devrait contribuer à réduire les incertitudes actuelles en assurant aux consommateurs européens l'accès à une énergie verte abordable tout en soutenant les emplois locaux ».
La branche VDMA Photovoltaik, syndicat professionnel allemand des équipementiers pour le photovoltaïque, craint une escalade des tensions commerciales et plaident encore pour une solution diplomatique aux problèmes. « Seule la croissance sauvera la filière photovoltaïque européenne et mondiale, parce qu'elle absorbera les surcapacités de production », souligne Florian Wessendorf, directeur de la branche équipements VDMA Photovoltaik, qui estime que les importations de panneaux PV chinois ne représenteraient que 30% de la valeur ajoutée dans le photovoltaïque au sein de l'Union européenne, qui proviendrait en grande partie des sous-traitants amont du secteur pour les matériaux, les machines, les onduleurs, ainsi que par les métiers aval avec les développeurs de projets et les installateurs.
Entre l'Europe et la Chine, le bras de fer est donc entamé : l'Empire du milieu a à son tour ouvert une enquête antidumping sur les vins importés de l'Union européenne, et vise donc ainsi notoirement la France, et préparerait une attaque similaire contre l'importation des voitures de luxe allemandes. En attendant la suite ...
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