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Barrières administratives, raccordement, pose : trois freins majeurs à la création d’une filière industrielle française dans le photovoltaïque

Silicium>Couches minces>France>Politique/Réglementation>Subventions/Aides financières
21/06/2010 23:30:02 :


Comment créer une filière industrielle compétitive dans le photovoltaïque en France ? Quels sont les freins à cette implantation ? Quelle est l’importance de la recherche comme facteur de développement de cette filière ? Autant d’interrogations auxquelles les participants à la table-ronde organisée par l’Ademe et le SER, -le syndicat des énergies renouvelables-, ont tenté de répondre en préambule du Salon des Energies Renouvelables qui s’est tenu la semaine dernière à Paris…

En fil rouge de ces tables-rondes : la politique de subvention (tarifs d’achat, incitations fiscales, etc.) dont le poids budgétaire commence à susciter des interrogations. Est-elle productive ou ne constitue-t-elle qu’un effet d’aubaine, capté par la concurrence étrangère (allemande ou chinoise) sans réel effet dynamisant sur le renforcement d’une industrie tricolore et sur la création d’emplois dans cette filière industrielle ? Des industriels (Photowatt, Tenesol, GDF-Suez, First Solar, Saint-Gobain) et des organismes de recherche ont tenté d’apporter des réponses étayées à ces interrogations légitimes.

Le constat tout d’abord, dressé par Waël Elamine, responsable au syndicat SER-Soler, la branche photovoltaïque du SER : la France abrite sur son sol actuellement une capacité de production annuelle de panneaux solaires de 574 MW, soit plus du double de celle de 2009 (266 MW), mais sans commune mesure avec le développement du marché (au premier trimestre 2010, la file d’attente des demandes de raccordement au réseau des installations PV a augmenté de 2 GW pour atteindre 3992 MW dont 3,2 GW en métropole).

Pour justifier la nécessité d’une politique industrielle incitative, les industriels rappellent qu’en 2000, il n’existait encore aucune unité de production de panneaux de très grand volume en Allemagne (NDLR: Solar-Fabrik a toutefois, par exemple, commencé à produire en 1996). Or, rien que cette année, entre 6 et 7 GW de panneaux seront installés outre-Rhin, soit déjà plus que l’objectif du Grenelle de l’environnement de 5,4 G W pour le parc installé français à l’horizon 2020 !

Pour GDF-Suez, les clients, les installateurs, les ensembliers de solutions : tous veulent des sources d’approvisionnement locales, qui garantissent la qualité des installations dans le long terme (une vingtaine d’années). Le groupe voit toutefois trois freins au développement d’une filière PV en France : un objectif 2020 du Grenelle de l’environnement trop modeste (5400 MW) qui sera largement atteint même sans politique tarifaire incitative, la crainte d’une concurrence chinoise faussée en terme de coût d’accès au capital et de coût de fabrication lié au coût de main-d’œuvre, et enfin la crainte de rigidités bureaucratiques dissuasives en matière d’autorisations, de délais de raccordement et d’accès aux subventions.

First Solar, qui va construire une usine de panneaux couches minces dans le Sud-Ouest, met en avant la nécessité de déposer des brevets sur des technologies originales pour tenir à distance la concurrence asiatique. Même approche chez Tenesol, qui estime qu’il faut sortir de la commodité (des panneaux standards en silicium cristallin de 60 cellules) et déposer des brevets, tout en mettant en avant la nécessité de la massification de la production pour faire face à la concurrence (les leaders mondiaux atteignent désormais des capacités de production annuelle de l’ordre du GW). Photowatt, qui disposera d’une capacité de production de 100 MW à la fin de l’année, croit, quant à lui, que le salut de la compétitivité viendra de l’intégration verticale (de la tranche de silicium jusqu’au panneau en passant par la fabrication de la cellule). L’industriel rappelle que la part de la main d’œuvre dans le prix de revient d’un panneau dans cette approche intégrée est inférieur à 20% (entre 15% et 20%). Ce n’est donc pas tant le coût de la main-d’œuvre qu’un accès facilité au financement qui fait la différence avec les producteurs chinois. Car, à l’instar de Saint-Gobain, tous reconnaissent que l’industrie du PV est très capitalistique. Saint-Gobain a notamment indiqué avoir renoncé pour l’instant à construire une usine de tuiles solaires en France, en raison de la nouvelle politique tarifaire pour l’intégration au bâti, défavorable aux projets de plus de 250 kW.

Même s’ils admettent qu’une baisse graduelle et concertée des tarifs d’achat de l’électricité solaire en France sera bénéfique au renforcement de la filière, tous s’accordent à dire qu’un alignement en France des tarifs d’achat pratiqués en Allemagne serait catastrophique pour la filière. Pour Tenesol, les barrières administratives dans l’Hexagone, les délais de raccordement et un manque de maturité sur le processus de pose constituent les trois principaux freins au marché français. Une étude de l’EPIA est particulièrement édifiante : alors que le coût des démarches administratives dans le coût total d’une installation PV pour les particuliers est de 7% en Allemagne, il serait de 19% en France (et même de 47% pour les grandes installations professionnelles). Pour d’autres intervenants, le prix d’un panneau en sortie d’usine est d’environ 1,5 euro du watt. Installé sur le toit, en Allemagne, on arrive à 4 euros du watt (en tenant compte de la solution complète incluant l’onduleur, la connectique, l’étude, la pose, etc.). En France, le prix du watt sur le toit est plutôt encore de 6 à 7 euros.

La seconde table-ronde a mis l’accent sur l’importance de la R&D et des ruptures technologiques pour créer une filière pérenne en France. Pour autant, une étude sur les 22 000 familles de brevets PV menées par FIST, filiale de valorisation du CNRS, montre qu’il n’y pas toujours adéquation entre rang mondial en matière de dépôts de brevets et rang mondial en matière industrielle. Ainsi, le Japonais Canon est-il le champion mondial en matière de dépôt de brevets dans les couches minces, mais est peu présent industriellement. A contrario, Q-Cells est un des leaders mondiaux du photovoltaïque, mais dépose peu de brevets. Les Japonais Sharp et Kyocera, de leur côté, sont présents sur les deux tableaux.

L’Irdep, un laboratoire plutôt axé sur les couches minces, estime qu’il faut être capable de se projeter en 2030 pour orienter les recherches actuelles sur le photovoltaïque : quelles technologies bas coût seront utilisées, pour quelles nouvelles fonctionnalités (texture, poids, support, couleur, etc.), pour quelle recyclabilité, etc ? Tous s’accordent sur la nécessité de miser sur des technologies de rupture, seule façon pour une industrie française en devenir de combler son retard sur l’échiquier mondial. Car rien n’est encore joué. Dans les couches minces, des baisses de coûts considérables sont encore à venir, notamment en matière de machines de production, peu adaptées aux grands volumes et très onéreuses. Pour passer du laboratoire à une ligne pilote dans la filière silicium, il faut mettre aujourd’hui 50 M€ sur la table, selon PV Alliance, dont c’est l’ambition, et multiplier encore ensuite l’investissement par dix pour passer à une production de grands volumes.

Invité à clôturer ces tables rondes, Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l'Ademe, a insisté sur le rôle des ruptures technologiques pour (re)positionner l’industrie française et souhaité que dans le cadre de l’Appel à Manifestation d’Intention qui vient d’être lancé, la France se dote d’un laboratoire d’excellence dans les couches minces à l’instar de l’INES pour la filière silicium. Ce pôle d’excellence pourrait être en Ile-de-France. Par ailleurs, un Appel à Manifestation d’Intérêt cette fois, va être prochainement lancé dans le cadre des investissements du grand emprunt. Jean-Louis Bal invite donc les industriels à y participer massivement. Le responsable de l’Ademe a également indiqué que le ministère de l’économie et des finances diligentait actuellement une enquête pour évaluer le coût budgétaire et l’impact sur l’emploi de la politique d’aides à l’industrie du photovoltaïque. Des conclusions de l’enquête sortira la marche à suivre pour orienter la politique industrielle de la France dans ce secteur. Mais d’ores et déjà, Jean-Louis Bal indique que « les tarifs d’achat devront baisser en concertation avec les professionnels et en cohérence avec les baisses de prix au niveau mondial, et qu’il faudra également éliminer les surcoûts spécifiques au marché français en matière de procédures administratives et de délais de raccordement ». Un dosage fin dans le pilotage de la politique industrielle qui reste encore à inventer.

Frédéric Fassot




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