Porcelette , en Lorraine. - Audacieux ou téméraire ? Pour Arnaud Chaperon, directeur Électricité et nouvelles énergies de Total, la construction d'une usine de panneaux photovoltaïques sur la commune de Porcelette, en Moselle, pour le compte de SunPower, passée à 66% dans le giron du groupe en intégrant Tenesol au passage, montre simplement que, « chez Total, nous croyons au solaire malgré la crise violente que le secteur traverse actuellement », pour reprendre ses propres termes à l'occasion de l'inauguration du site. Annoncée il y a 18 mois (voir notre article), l'usine de 3300 m2 est désormais opérationnelle, avec une capacité d'assemblage de 150000 panneaux PV sur une ligne de production, pour une puissance totale de 44 MWc …

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« Les panneaux photovoltaïques qui sortiront de l'usine afficheront un rendement de conversion de 20% dans un premier temps grâce à l'utilisation des cellules solaires Maxeon de 22,4% de rendement de SunPower, avec l'objectif de monter à 21% voire 22% ultérieurement », souligne Arnaud Chaperon. Rappelons, en effet, que SunPower, dont la gamme de cellules solaires Maxeon fait appel à une technologie à contact arrière donnant le meilleur rendement surfacique, produit déjà des versions avec un taux de conversion de 24%. Des panneaux PV commercialisées aux États-Unis intègrent déjà ces modèles 24%. Au fur et à mesure du transfert de la nouvelle génération de ces cellules solaires dans ses usines, la firme pourra « alimenter » ses sites d'assemblage de panneaux PV, et donc aussi Porcelette, et obtenir des rendements supérieurs aux 20% actuels.

Automatiser juste ce qu'il faut
Pour SunPower, société américaine qui a vu le jour au milieu des années 80, il s'agit de la première usine hors États-Unis et hors Asie (sans compter l'usine de Toulouse acquise avec Tenesol). Une preuve que la production de panneaux PV en Europe peut être compétitive sur le marché mondial ? « Ici, nous employons 60% de personnel de moins que dans les usines d'assemblage de panneaux photovoltaïques en Asie, et la qualité de production est nettement supérieure », nous a confié Marty Seene, COO de SunPower depuis 2008, lors de l'inauguration.

Et pourtant, force est de constater que la ligne d'assemblage est, du moins pour le moment, moins automatisée que chez certains concurrents, notamment sur les étapes de la pose des strings de cellules solaires sur l’EVA, de l’ébavurage des panneaux ou encore de la pose des cadres (voir photo ci-dessus). « Dans un premier temps, cela permet de démarrer rapidement une usine avec juste l'investissement indispensable, mais nous testons toujours plusieurs approches avant de fixer nos choix d'automatisation ou non. Dans certains cas, en particulier pour la pose et le soudage des strings, les opérations manuelles permettent d'obtenir une meilleure qualité et moins de rebut qu'avec un robot », précise Marty Neese, défenseur de la gestion de qualité de la production selon la méthode de l'amélioration continue, plus connue sous l'appellation japonaise Kaizen. Cette philosophie semble réussir à SunPower puisque le taux de retour n'est que de 27 panneaux pour 1 million d'unités livrées. A noter toutefois que l'Américain a transféré à Porcelette un savoir-faire industriel essentiellement développé dans le Sud-Est Asiatique, où la tendance est plus aux opérations manuelles qu'à la robotisation du fait des faibles coûts salariaux et où les autorités locales conditionnent aussi les subventions accordées aux industriels au nombre d'emplois créés.

Raccourcir les délais de livraison
L'usine SunPower Manufacturing De Vernejoul est située au cœur de l'Europe, à proximité du premier marché européen pour le photovoltaïque qu'est l'Allemagne, ainsi que de la Belgique où la demande est aussi très forte. La production de l'usine est toutefois aussi destinée à l'Italie et bien sûr à la France. « Nous croyons au solaire », insiste Arnaud Chaperon. « Certes, en France, le moratoire imposé au photovoltaïque a laissé des séquelles. La demande a du mal à repartir. Mais tout est en place pour amorcer une nouvelle croissance. Il reste à espérer que les autorités sauront prendre des mesures de relance. Avec sa qualité de production, sa technologie et la performance en terme de rendement énergétique, Sunpower est le pilier de nos activités dans le solaire. Suite à la fusion de SunPower et de Tenesol, nous disposons d'un réseau de distribution maillé. La présence des usines dans ce dispositif permet d'optimiser les délais de livraison. En ce qui concerne l'usine de Porcelette, nous sommes sur de la haute technologie. La production 2012 est déjà vendue. La situation actuelle est une phase de transition, et nous nous positionnons pour anticiper la future reprise sur le marché. La tendance conjoncturelle va s'inverser à partir de 2014. »

En France, SunPower/Total attend le résultat des appels d’offres de plus de 250 kW. Le groupe est présent sur des projets d'une puissance cumulée de 300 MW. Avec l’usine de Tenesol à Toulouse, où la capacité de 85 MWc n'est actuellement exploitée qu'à environ 50% et la nouvelle usine de Porcelette, il semble disposer, pour l'instant, de capacités suffisantes pour répondre à la demande en Europe. Et, visiblement, l'usine de Porcelette recèle un fort potentiel d'extension.

Appelé SunPower Manufacturing De Vernejoul, le site, qui illustre par ailleurs de façon exemplaire la revitalisation industrielle d'un ancien bassin minier aujourd'hui dénommé Composite Park, représente un investissement de 10 millions d'euros. Il emploie aujourd'hui 35 personnes pour son démarrage, et passera à un effectif de 80 personnes d'ici juillet prochain. La montée en puissance de la ligne de production et la formation des employés a été faite avec le soutien d'équipes techniques des usines de SunPower aux Philippines, venues sur place pour plusieurs semaines.

Alors, audacieux ou téméraire ? La question reste posée, à suivre pour la réponse ...

L'usine SunPower Manufaturing De Vernejoul en chiffres
- moins d'une année de construction
- une surface de 3300 m2
- une ligne d'assemblage pour 150000 panneaux PV/an et 44 MWc/an
- suffisamment de place pour l'installation ultérieure de deux autres lignes d'assemblage
- un investissement de 10 millions d'euros (aucune subvention)